CELINE
ET LES POLITIQUES ETRANGERS
* Otto ABETZ
(ambassadeur
du Reich à Paris): " Collaborationniste, moi ? Absentionniste,
voulez-vous dire... ABETZ m'a toujours détesté, moi, mon genre,
mes livres, ma personne, mais mes livres surtout... J'ai rencontré ABETZ pendant la guerre, deux ou trois fois, quelques minutes.
J'ai toujours
trouvé l'action politique d'ABETZ grotesque et désastreuse et
l'homme lui-même un fléau de médiocrité, un emplâtre de vanité
terrible, un clown pour cataclysme, comme son patron était un " mage
pour le Brandebourg ".
(Céline fait encore parler de lui, article du
Phare-dimanche, 25 mai 1947).
* Adrien
ARCAND (homme politique canadien, journaliste, dit le führer
canadien 1899-1967): " ARCAND a des
relations à l'extérieur du pays également. Il compte parmi ses
admirateurs étrangers des hommes haut placés et influents. Nadeau,
également directeur des pages culturelles du Devoir, consacre un
chapitre à une visite à Montréal, jusqu'ici restée mystérieuse, de
l'écrivain français Louis-Ferdinand Céline, un antisémite consommé.
Les deux hommes ont-ils correspondu par la suite ?
Mystère. Mais Céline a bel et bien assisté aux réunions fascistes
preuve photographique à l'appui. (photo du 6/5/1938 au Cercle
Universitaire de Montréal). "
(Le Petit Célinien : J.F. Nadeau déterre
les secrets des fascistes québécois, 1 avril 2010).
*
BAO DAÏ (Empereur du Vietnam, renversé en 1955 -
guerre du Vietnam - se retire en France, 1913-1997): "
Louis-Ferdinand Céline se pique de n'écrire que pour
lui-même. Mais en dehors des petits jeunes gens qui
lisent sa prose licencieuse, il compte des lecteurs de
marque, même un empereur en exercice, si l'on peut dire,
S.M. BAO DAÏ, qui règne sur le lointain Annam.
Voilà trois ans, l'empereur d'Annam devant faire une
retraite qui lui était commandée par les rites n'en
décida pas moins d'emporter quelques livres français
dont il est grand amateur. Une main amie avait glissé
dans le paquet Le voyage au bout de la nuit.
BAO DAÏ, qui connaissait l'ouvrage de réputation,
s'en saisi aussitôt et il le lut d'une seule traite
jusqu'à l'aube. - Pour moi aussi, disait-il en riant à
un ami français, qui nous rapporte l'anecdote, ce fut
mon voyage au bout de la nuit... Sa Majesté lira-t-elle
Mort à crédit dans les mêmes conditions ?
(1er août
1936, Le Nouveau Cri, dans l'Année Céline 2009).
* Folke
comte de BERNADOTTE: Diplomate, vice -Président de la Croix-Rouge
suédoise, nommé médiateur des Nations-Unies en Palestine le 20 juin
1948 afin de superviser l'application du plan de partage. Il fut
victime d'un attentat sioniste commandité par Yitzhak Shamir à
Jérusalem ouest le 17 sept.1948.
L'épisode de Rigodon s'inspire de la rencontre à Copenhague en
1945, à l'hôtel d'Angleterre, où Céline le remercia de l'autorisation
qui lui avait été accordée de quitter Flensburg par le train de la
Croix-Rouge. Céline évoque maintes fois son assassinat tant dans ses
romans que sa correspondance, comparant son sort à celui de Robert
Denoël, également tué par balles à proximité de son véhicule.
(Bibliographie, Céline
3, Romans II, IV, libération, 30 juin 2005).
*
Hermann BICKLER (dit Lichten-Berger, dit Faust, dit
Walter, avocat lorrain, autonomiste, devenu colonel SS,
puis préfet, 1904-1984 ; c'est grâce à lui que les
frontières du Danemark purent s'ouvrir aux époux
Destouches) : " Il apparaissait parfois dans ces
moments-là, à l'image de ses livres, comme un cynique
cruel. En réalité, il était chaleureux et pouvait en
tant qu'ami être d'une cordialité incomparable. Mais il
ne se faisait pas d'illusions sur les humains. Il avait
voyagé en Amérique et en
Afrique pour le compte de la Société des Nations et
avait même visité l'Union soviétique. Il avait raconté
de façon terrifiante l'effondrement de la France en
1940, et ses livres sur le chaos
allemand de 1945 eux aussi ne se lisent guère
différemment. Il portait un jugement pessimiste sur la
guerre et sur la position des Allemands dans celle-ci.
J'irais même jusqu'à supposer que beaucoup d'Allemands,
a fortiori les gens qu'il avait rencontrés autour de
l'ambassade d'Allemagne pendant l'Occupation, ne lui
étaient pas particulièrement sympathiques. Il leur
reprochait de s'être fait mener en
bateau en permanence par le gouvernement de Vichy. Il
rejetait Laval comme typiquement " youpin ", et
d'ailleurs, dans ces moments-là, il était encore moins
porté que jamais à modérer sa ligne de conduite
farouchement antisémite, qui était déjà la sienne
avant-guerre.
Il
eut d'ailleurs également un conflit à ce propos avec
Ernst Jünger, qui était au Commandement militaire à
Paris et devait exprimer clairement son rejet absolu de
Céline dans son Journal de guerre. Céline ne le
lui pardonna jamais et, comme je l'ai appris de la
bouche de ses derniers visiteurs, il lui décernait
l'appellation, typique pour lui, mais injuste, de petit
flic, Ein Kleiner Bulle, comme nous disons chez
nous.
Nos rencontres se muèrent très vite en une amitié sincère qui se prolongea
au-delà de la guerre, quand bien même je ne devais plus
le revoir. Mais il m'écrivit encore de France, après son
retour d'exil au Danemark, quelques lettres émouvantes
et typiques de lui. Hélas, je n'ai pas eu, à l'époque,
la possibilité de lui rendre visite. Il était déjà très
malade et véritablement au bout du rouleau. "
(Céline vu par son ami SS Hermann Bickler, Lire, hors-série,
01/07/2011).
* Consul
de Suisse à Stuttgart : " 22 janvier 1945, / J'ai l'honneur de
solliciter le visa d'admission en Suisse
pour moi-même et ma femme. Actuellement réfugié à
Sigmaringen, docteur en médecine de la faculté de Paris et invalide
de guerre 75 p. 100 - Ecrivain sous le nom de L. F. Céline. Ce nom vous
est peut-être connu et il vous explique pourquoi j'ai dû quitter la
France où je serais actuellement presque certainement condamné à mort.
Je
n'ai pas l'intention de séjourner en Suisse au-delà du temps normal
d'apaisement politique, pour une durée d'une année par exemple. Je
possède avec moi des pièces d'or et des bijoux pour une valeur de 12
000 francs suisses environ. Il me serait aisé au surplus dès mon
arrivée en Suisse d'obtenir d'Espagne le triple de cette somme de la
part d'amis auxquels j'ai confié des sommes importantes en or. "
(Lettres
2009, au Consul de Suisse à Stuttgart, Sigmaringen, 22 janv. 1945).
* Olivier CROMWELL: Cet homme d'Etat anglais
fit purger le Parlement et condamner le roi Charles 1er par une
Haute Cour pour obtenir les pleins pouvoirs en 1653. Il mourut
impopulaire et redouté le 3 septembre 1658 et fut inhumé à Westminster
Abbey.
Comme Céline le souligne avec justesse, son squelette fut exhumé et
pendu, son crâne fiché sur un poteau. Avant la rédaction de Nord,
le 21 novembre 1948, Céline confiait à Albert Paraz : " - j'écrirai un
petit pamphlet : Terreurs. Enterreurs, déterreurs. On rigolera. Il m'a
toujours frappé qu'on avait déterré CROMWELL pour le juger et
le pendre, en cadavre. Ainsi va la haine, le désir du monde et de
Caliban . "
(Bibliographie, Romans II).
* Léon
DEGRELLE: " On me signale un article paru en janvier 1933 dans la
presse belge Titre : " Un chef-d'œuvre anarchiste ". Auteur: Noël
d'Auclin. En voici l'ouverture: " Un livre effroyable, où les vices les
plus monstrueux sont disséqués avec un cynisme souriant, un tableau,
dégoulinant de pus, de la misère matérielle et morale de millions de
gueux à la dérive, un acte d'accusation de notre siècle, aussi
implacable que pathétique, un style charnu et royal, un humour atroce
et désarmant, voilà le Voyage au bout de la nuit du Docteur
Céline. Le bouquin est plus gros qu'une brique: 25 000 lignes. Il coûte
36 francs belges. Et pourtant on le lit partout, bien que Céline se
soit fait chaparder le prix Goncourt. C'est que ce Voyage au bout
de la nuit est une œuvre fantastique, qui vous remue des pieds à
la tête, vous indigne, vous dégoûte, vous émeut, fait gronder en vous
de vastes colères. "
Découverte
assez banale...Certes. Sauf si l'on sait que " Noël d'Auclin " était l'un
des pseudonymes de... Léon DEGRELLE, le leader rexiste. "
(M. Laudelout, article dans Rex,1er janvier 1933).
* Karl
EPTING : " L'image même de Céline devra dans l'avenir prendre corps.
Aujourd'hui nous admirons en lui cette force qui a su se faire jour à
travers un monde que nous tenions pour muré à jamais. Nous voyons en
lui le révolté, l'anti-eudémoniste, l'avocat des massacrés. L'homme
qui, avec sa " grande gueule ", crie à l'époque sa honte à plein visage,
l'homme qui écrivait en tête de son - Ecole des cadavres -
cette parole: Dieu est en réparation. " (K. E. 1944).
* " Je
ne l'oublierai jamais : nous nous étions rencontrés à Berlin dans un
quelconque restaurant sombre, encore épargné par les bombes, et puis
Céline s'en alla, légèrement voûté, Bébert sur les bras, Lili
et le Vigan à ses côtés, à travers les décombres des files de maisons
effondrées. C'est cela mon image intime de cet écrivain : Ferdinand en
route sans repos, comme Ahasvérus dans les ruines du monde. "
(BC
n°83, juillet 1989).
* Per
FEDERSPIEL (homme politique danois, président de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe de 1960
à 1963, ministre du gouvernement Kristensen, 1905-1994)
: " Le crédit moral de Per FEDERSPIEL était
considérable dans la classe politique de l'après-guerre.
Aussi, lorsqu'il décida de s'occuper de Céline, et
d'éviter son extradition, personne ne put le contrarier
efficacement. A plusieurs reprises, Girard de
Charbonnière ira le voir pour lui dire : " Donnez-moi
Céline... " (Témoignage du pasteur Löchen). Mais ce
fut en vain.
Alors que Céline envisageait de fuir le Danemark après sa sortie de
prison, Per FEDERSPIEL, qui l'avait appris par
Mikkelsen, conseilla à l'avocat de l'abriter dans sa
propriété de Korsor, avisant Elmquist et le ministre des
Affaires Etrangères Gustav Rasmussen que désormais
l'exilé était sous sa responsabilité personnelle.
Son fils, Thomas Federspiel, également avocat, est co-directeur d'un
important cabinet international danois. Il préside la
Fondation Paule Mikkelsen, qui possède la correspondance
de Céline à son protecteur ainsi que de nombreux
ouvrages, avec envois, adressé à l'exilé.
(Eric Mazet et Pierre Pécastaing, Images d'exil, Du Lérot, 2004, p.47).
* Henry FORD (industriel américain, pionnier de
l'automobile, fondateur en 1902 de la Henry Ford Compagny,
1863-1947) : " Promoteur de la taylorisation et de la
standardisation,
ses usines produisent plus de 15 millions de modèles T-Lizzie
jusqu'en 1927. Louis Destouches, qui s'était rendu sur le site de
Detroit les 5 et 6 mai 1925 à la tête des médecins
échangistes sud-américains, en mission pour la SDN, avait assisté à une
inspection médicale d'embauche, visité les ateliers et s'était
entretenu avec le directeur du service de santé, le docteur Mead. Il en
avait rendu compte dans une note assez critique où il rapporta les
propos d'un médecin chargé des admissions : " l'employé rêvé pour
nous, l'ouvrier rêvé c'est le chimpanzé " .
Dans sa communication à la Société de médecine
de Paris, " A propos du service sanitaire des usines FORD à
Détroit ", donnée lors de la séance du 26 mai 1928, son propos était
plus nuancé : les assurances sociales en France étant jugées trop
onéreuses et inefficaces, l'alternative du fordisme, qui
emploie dans des tâches assistées par la machine des malades et des
vieillards, lui paraissaient alors un moindre mal, compte tenu du
faible engagement des Etats dans les questions sanitaires. Dans Voyage,
Bardamu entre sans enthousiasme à l'usine FORD de Détroit, où
" on y embauchait n'importe qui et n'importe quoi " : à
l'usine : " rien n'importait que la réalité fracassante des mille
et mille instruments qui commandaient les hommes ".
(Gaël
Richard, Dictionnaire des personnages, Du Lérot 2008).
* Joseph GOEBBELS (ministre
d'Hitler): " Les Allemands !... J'en ai assez de leurs trombines. C'est
une bande d'abrutis et d'une délirante bêtise, ils sont propagandisés... un vrai peuple d'esclaves... ah ! pas comme nous à la
manière négroïdes, non ! mais dans leur crétinisme ils sont devenus
dociles, bêlant, hébétés, enfarinés, naïfs et obnubilés par leur
croyance en leur force... Leur GOEBBELS salivant toutes les
semaines à la radio et grattant sa plume dans " Das Reich "...
GOEBBELS... il
en connaît un bout... décervelés qu'ils sont ces boches ! gavés de
spongieuses et arrogantes singeries... et hop ! au pas de l'oie... Ein
Volk ! Ein Reich ! Ein Führer ! Heil Hitler !... allez-vous faire mettre
les tripes au soleil de Russie ! et zou ! en chantant: " Ich habe ein
Kameraden... " Carnaval, foutaises, mélasse, bigorne sinoquée ! "
(Phare-dimanche,
25 mai 1947, article de Louis Rezeau).
* Adolf
HITLER (chancelier du Reich) : " Aucune gêne à vous avouer que je
n'ai jamais lu Mein Kampf !
Tout ce que pensent ou racontent ou écrivent les Allemands
m'assomme. Celte dans chaque pouce de ma
misérable personne tout ce qui vient d'outre-Rhin me coagule. Je ne me
suis lancé, (comme un con) dans cette effroyable aventure et quelle
misère ! que dans un but - un seul, UNIQUE - éviter une autre guerre.
Que le sang français ne coule plus. Hélas ! Voyez comme j'ai réussi ! -
Alors ce que déconnait HITLER m'a toujours semblé futile.
D'ailleurs son entourage me détestait - La vocifération hitlérienne, ce
néo -romantisme hurlant, ce satanisme wagnérien m'a toujours semblé
énormément obscène et insupportable.
Je suis pour Couperin, Rameau - Jacquin (le
connaissez-vous ?) Ronsard... Rabelais ? "
(Lettre à Milton Hindus,
Copenhague, le 2 sept. 1947).
*
Miguel Angel MORATINOS
(ministre des Affaires étrangères espagnol) : " Dans sa thébaïde de la
vallée de
l'Auvézère, quelque part au-dessus de la rivière aux écrevisses, entre
Périgord blanc et Périgord vert,
Miguel Angel
MORATINOS
le ministre des Affaires étrangères espagnol de
Zapatero vit des vacances paisibles.
Chapeau
mi-australien mi-gaulois, tenue légère voire shorts, le patron de la
diplomatie ibérique est plongé dans la lecture du " Voyage au bout de la nuit " de Louis-Ferdinand
Céline. Sourire : " Je n'avais pas encore lu ce chef -d'œuvre
pacifiste. " Difficile de croire qu'il ignore que l'auteur Louis
Destouches, alias Céline n'est guère en odeur de sainteté auprès des
progressistes ! "
(Sud-Ouest, 11/8/2010, Alain
Bernard).
* Benito
MUSSOLINI : Le docteur Destouches conduisit en Italie au titre de la
S.D.N. un groupe de médecins échangistes latino-américains du 18
juillet au 8 août 1925, qui fut officiellement reçu le 3 août à Rome
par le Duce.
Céline ne montre alors pas plus de curiosité que de sympathie pour le
fascisme. MUSSOLINI, dans ses entretiens avec Yvon de
Begnac, publiés sous le titre " Cahiers
mussoliniens ", disait avoir lu Voyage. " - Un classique de notre
siècle ", et s'interrogeait sur son auteur:
" - Depuis votre
retour en France , vous me parlez toujours de l'écrivain Céline. J'ai
lu l'argot en bouillie de Voyage au bout de la nuit. Ecriture
jacobine, insatisfaction thermidorienne, désir de reconstituer
l'absolutisme du type anarchiste, chemin précis vers l'absolutisme de
type tzariste. Faites-le vivre longtemps, un type comme Céline, et la
postérité en verra de belles ! Je ne sais pas si cet écrivain est
capable d'amour. Il est prêt à exploser de rancœur. Mais que diable
l'humanité lui a donc fait ? Mais comment est-il possible qu'un
personnage comme Céline soit médecin ? "
(Dictionnaire des personnages, Gaël Richard, 2009).
* Raoul NORDLING
(consul de Suède) :" Raoul
NORDLING est venu hier me voir ici : entre deux trains, de
Copenhague, avec Dedichen - il s'est tapé les 300 bornes tout spécialement. On a fait connaissance. Il est
resté une heure. C'est un Montmartrois éperdu. Il t'adore. On s'adore.
Bon. Bien entendu il a sauvé Paris et Montmartre et moi-même. C'est
Ste-Geneviève - Ste-Geneviève ! Bon. A le lui répéter environ toutes
les 3 phrases. Mais il est subtil, joueur en finesse. Parfait. Il veut
faire mieux. Il veut essayer d'abibocher un peu mon affaire dans les
milieux ministériels français - où il est tu le sais " personnae plus
que grata " au jeu des portes capitonnées etc...
Mais il voudrait bien qu'il se forme autour de moi un petit cercle de
partisans français - de bon aloi - très bon aloi et discrets - des "
gens bien " - Je ne veux point battre le tambour. Je veux essayer de le
faire gentiment approcher - par des amis - pas journalistes - j'ai
pensé à Dubuffet. "
(Lettre de
Céline à Daragnès, Klarskovgaard, 27 avril 1949).
*
Helga
PEDERSEN (1911-1980, ministre de la Justice au Danemark de 1950 à
1953) : " Je m'en souviens comme si cela datait d'hier. C'était une
grande ferme avec de nombreux cochons et de nombreuses vaches, et par conséquent quantité de mouches. Tous les mets
étaient protégés par des émouchettes, y compris le dessert, qui était
de la " rǿdgrǿd med flǿde ", de la gelée de fruits
à la crème. Nous prîmes le café à l'extérieur.
Helga PEDERSEN
était une charmante hôtesse. Ensuite, nous allâmes nous promener à
Klarskovgaard, où nous rencontrâmes un artiste connu, le professeur
Hjorth Nielsen, qui bénéficiait alors d'un séjour à la Fondation
Mikkelsen. Nous rîmes beaucoup en entendant Helga PEDERSEN nous
raconter qu'un jour où Céline devait se laisser photographier pour un
journal français, il était passé de l'autre côté d'une clôture de
barbelés et avait dit : " Voilà comment les Danois me maltraitent ! ".
La clôture avait été installée pour empêcher un vieux cheval à demi
aveugle de tomber du haut de la falaise. "
(Bente Karild,BC n°236
Nov.2002).
* Mais l'impression produite sur
Céline par Helga, elle, elle était intéressante. L'un et
l'autre, des intelligences aiguës, des êtres éminemment cultivés. Leurs
conversations, dont j'ai eu le privilège d'assister à quelques unes,
étincelaient par l'esprit dont elles faisaient montre, leur
remémoration de faits historiques, leur largeur de vues à l'égard des
hommes, et, ce qui est important, elles aidaient Céline à échapper, tant
qu'elles duraient, à son cauchemar quotidien. Il le sentait bien et il
était heureux de se retrouver en compagnie de " Mademoiselle Thémis ",
comme il la surnommait plaisamment. "
(Ole Vinding,1984,BC n°283
fév.2007).
*
SIGMARINGEN : " Au début de mars
1945, Céline obtient un laissez-passer pour le Danemark. Il va quitter
l' " Hitlérie assiégée ". La gare. Il fait nuit. Sur le quai, on
reconnaît Abel Bonnard, Paul Marion, Rebatet et sa femme Véronique,
Robert Le Vigan. On charge les bagages, près de deux cents kilos selon
le témoignage de Rebatet. Céline, son chat dans une besace passée
autour du cou, Lucette à ses côtés, lance un dernier adieu.
" Adieu SIGMARINGEN... j'en
ai mon compte, terminé le ballet des crabes pleins de poux... J'fous le
camp... Au pôle Nord... Là-haut, je ne verrai plus leurs faces de Pierrot
et de Jean-Foutre... leur goebbel's propagande... "
(Henri Rousso, Sigmaringen 1944-1945, Un château en
Allemagne, p.158, 1980).
*
Léon TROTSKY
: " Louis-Ferdinand Céline
est entré dans la grande littérature comme d'autres pénètrent dans leur
propre maison. Homme mûr, muni de la vaste provision d'observations du
médecin et de l'artiste, avec une souveraine indifférence à l'égard de
l'académisme, avec un sens exceptionnel de la vie et de la langue,
Céline a écrit un livre qui demeurera, même s'il en écrit d'autres et
qui soient au même niveau de celui-ci.
Voyage au bout de la nuit, roman du pessimisme, a été dicté par
l'effroi devant la vie et par la lassitude qu'elle occasionne plus que
par la révolte. Une révolte active est liée à l'espoir. Dans le livre
de Céline, il n'y a pas d'espoir. "
(Littérature et Révolution, 1932).
* Antonio
ZULOAGA (attaché culturel de l'Ambassade d'Espagne, 1906-1981) : "
Mon cher Antonio, / ...On peut venir à
Copenhague en train ou par
avion. Y a l'économie. Mikkelsen aussi est très économe. Tous les gens
vraiment riches sont économes. Au point que nous n'avons plus du tout
d'eau. Je vais la chercher en bidon sur une brouette. Lucette s'en
fout, elle se baigne par n'importe quel temps, en Baltique, c'est te
dire le tempérament ! Elle rêve d'Espagne, c'est-à-dire de toi en
somme, parce que les danses basques n'ont aucun secret pour elle. Et
les castagnettes alors ! de l'orage à la pluie fine ! Tout ce qu'on
veut ! Rafales ! Zéphirs ! Et puis le nom hein ? n'oublie pas :
ALMANZOR. Elle rentre chez elle en somme !
Et puisque tu es devenu sérieux, puisque tu réussis
dans les affaires, tu vas prendre en charge nos deux âmes pour
l'Espagne ! nos deux corps aussi hélas ! et nos réputations ! / On
t'aime - / Débrouilles-toi ! / Ecris ! / On demeure HALETANT. / L.F.
Destouches. "
(Lettre du 12 février 1949, Lettres, Pléiade 2010).
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